Génomique

Génomique

par Denis Tagu

Les pucerons à l'ère des 'omics :
La communauté internationale des aphidologues s’est organisée pour développer les approches d’analyse haut-débit des génomes en soutien des études des mécanismes d’adaptation des pucerons à leur milieu.

Le Consortium International de la Génomique des Pucerons (IAGC pour International Aphid Genomics Consortium) a été créé en 2003. Sa première réalisation a été de rédiger un livre blanc défendant la nécessité d’avoir accès au génome d’une espèce de puceron afin de décrire sa structure, sa dynamique, son fonctionnement et son évolution.
Après un effort de plusieurs années, le génome du puceron du pois (Acyrthosiphon pisum) a été séquencé [1], assemblé [2], annoté [3] et publié (Tagu et al. 2010 pour un résumé de cette étape, IAGC, 2010 pour la publication du génome). L’analyse de ce génome a mobilisé plus d’une centaine de collaborateurs dans le monde entier et plusieurs articles décrivant certaines familles de gènes et leurs particularités été publiés en parallèle de l’article général. Nous pouvons mentionner ici plusieurs points principaux :(5)

Beaucoup des gènes prédits dans le génome d’A. pisum sont dupliqués ou appartiennent à des familles multigéniques. C’est le cas par exemple des gènes codant les protéines de la machinerie des microARN (petits ARN régulateurs) : les gènes codant les protéines Dicer1, Argonaute1 et Pasha sont dupliqués ou  multipliés (4 copies par exemple pour le gène Pasha). Dans tous les cas, une des copies est très homologue aux gènes présents chez les autres insectes et l’autre copie diverge de façon importante, avec parfois des indications que cette divergence est sélectionnée par l’évolution, suggérant que ces séquences pourraient acquérir de nouvelles fonctions qu’il reste à déterminer. Malgré le grand nombre de gènes, certaines voies métaboliques ou processus développementaux ont disparu du génome du puceron du pois. C’est le cas par exemple d’une des voies de réponses des cellules à la présence de bactéries pathogènes (la voie IMD/JNK).

Malgré une co-évolution longue de 150 millions d'année avec le symbiote Buchnera aphidicola, et malgré la simplification extrême du génome de cette bactérie, aucun transfert de gènes de Buchnera vers le génome de l’hôte n’a été mis en évidence. Un transfert de gènes de champignons vers le puceron du pois a été démontré pour la production de caroténoïdes, indiquant que la couleur de ces insectes était due en partie à l’acquisition de ces fonctions.

Depuis la description du génome du puceron du pois, d’autres génomes de pucerons ont été obtenus et sont tous disponibles sur la base de données AphidBase. L’obtention de génomes d’espèces appartenant à d’autres sous-familles que les Aphidinae (comme Cinara cedri pour les Lachninae ou le phylloxera pour la famille des Phylloxeridae) est une ressource importante notamment pour la phylogénie et l’histoire évolutive des espèces et des gènes.

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[1]  Il s’agit de déterminer l’ordre des nucléotides composant l’ADN d’un organisme. Cet ADN est regroupé en chromosomes et le génome est composé de l’ensemble des chromosomes.

[2]  Le séquençage de génome oblige de fragmenter au hasard et artificiellement les chromosomes. Le résultat du séquençage est donc une quantité importante de petits fragments. L’assemblage consiste en la reconstruction informatique des chromosomes initiaux par alignement des petits fragments séquencés.

[3]  L’annotation d’un génome consiste à repérer dans le génome séquencé et assemblé les différents éléments qui le caractérisent, notamment les gènes codant les protéines. Chez les eucaryotes, les gènes peuvent représenter qu’une toute petite partie (5%) de la totalité du génome. La majeure partie correspond à des séquences répétées qui ne code pas de protéines.

Voir aussi

Tagu et al. The anatomy of an aphid genome : from sequence to biology, Comptes Rendus Biologiques 333 (2010) 464–473 pour un résumé de cette étape http://dx.doi.org/10.1016/j.crvi.2010.03.006

IAGC Genome Sequence of the Pea Aphid Acyrthosiphon pisum, PLoS Biology 8(2): e1000313 pour la publication du génome http://dx.doi.org/10.1371%2Fjournal.pbio.1000313

Date de modification : 11 avril 2024 | Date de création : 02 décembre 2010 | Rédaction : Denis Tagu