Filière ornementale

Création variétale dans la filière ornementale

Ce cas illustre les impacts des activités de création variétale du département BAP sur les espèces orphelines que sont les plantes ligneuses ornementales. L’implication de l’INRA a poussé la filière à se structurer pour éditer les nouveaux cultivars obtenus, dont certains sont devenus des standards dans leur catégorie et ont permis de maintenir l’activité économique de certaines entreprises du secteur. Ces travaux ont aussi été mobilisés pour la rédaction de recommandations sur les descripteurs utilisés pour les tests de DHS lors de l’inscription des cultivars de certains genres à l’échelle mondiale.

Contexte

Le marché français de la pépinière (végétaux ligneux d’ornement et rosiers) est un petit marché (522,5 M€). Les entreprises de la filière horticole (4154 en France dont 1431 pépinières) sont majoritairement des TPE. Aucun centre technique, interprofession ou structure fédérative n’organisait cette filière avant les premières interventions de l’INRA. Les produits commercialisés sont très diversifiés (plus de 50 000 taxons commercialisables, 5 000 références en moyenne au catalogue d’un seul producteur de jeunes plants), ce qui disperse les efforts de recherche et rend impossible la création sur tous les genres. Enfin l’essentiel de ces plantes est multiplié végétativement, plus rarement par semis. Chaque cultivar créé est ainsi beaucoup moins vendu que pour les céréales ou les oléagineux. Pour toutes ces raisons, les plantes ligneuses ornementales sont considérées comme des espèces orphelines, sur lesquelles les investissements en recherche publique et privée sont très faibles, en particulier en France.

Dans ce contexte, la filière ornementale française se trouvait soit dépendante économiquement d’obtentions issues d’autres pays, soit restreinte à ne commercialiser que du matériel ancien non protégé. Certaines entreprises se sont donc orientées vers la création de cultivars (en propre ou en partenariat) en vue d’augmenter leurs ventes sans avoir à payer de royalties à des tiers. Les grands axes de ce développement de nouveaux cultivars sont la résistance aux bioagresseurs, la diversification en coloris et la compacité du port. La couleur joue sur le déclenchement de l’acte d’achat par les particuliers tandis que la compacité présente un intérêt à la fois pour les particuliers (jardins de petite taille), pour les paysagistes (moins d’entretien) et pour les producteurs (augmentation du nombre de pots par m²). La résistance aux pathogènes est attendue par les professionnels et les consommateurs car elle limite les traitements et assure un meilleur aspect sanitaire. Cette résistance aux pathogènes, même si elle est actuellement secondaire dans les pratiques de création variétale de l’INRA, a été un élément fondateur des programmes, en particulier du fait de la concomitance entre le développement du feu bactérien en Europe, son apparition en France et le développement des premières obtentions de l’INRA résistantes à ce pathogène.

Inputs et situation productive

Depuis 1970, l’INRA a développé des programmes propres ou collaboratifs d’obtention variétale sur plantes ligneuses d’ornement. Ces activités ont été mises en œuvre par le laboratoire d’horticulture ornementale (devenu une équipe de l’UMR GenHort, puis l’équipe GDO de l’UMR IRHS) au sein de la station d’arboriculture fruitière d’Angers. Sur l’essentiel de la période, ces travaux se sont appuyés sur l’unité expérimentale d’Angers devenue l’UE Horti, avec, par ailleurs, l’association d’enseignants-chercheurs d’Agrocampus Ouest.

Les programmes ont démarré en 1972 avec la sélection sur Malus ornementaux dérivant de la sélection de pommiers fruitiers résistants aux maladies puis sur Berberis, Forsythia,Weigela et Thuya. Ces premières sélections ont été éditées par le syndicat SAPHO (Syndicat pour l’Amélioration des Plantes Horticoles d’Ornement), constitué à cette occasion par quelques partenaires de la station INRA d’Angers. Ces bases sont anciennes mais ont outillé la suite des recherches grâce aux connaissances et compétences développées en mutagénèse, hybridation, culture in vitro, biologie florale, et grâce au financement par contrats de recherche continus initiés à cette époque.

Le montage du premier programme de recherche collaboratif (avec le GIE SAPHYR constitué en 1982) est lié à la fois aux compétences nouvelles sur plantes d’ornement et à l’intérêt commercial des premiers cultivars développés en propre par l’INRA. L’objectif de ce programme était l’amélioration d’un nouveau groupe d’espèces, les Pyracantha. Mobilisant des compétences acquises sur pommier et poirier dans les laboratoires et les stations de pathologie et d’amélioration des espèces fruitières et ornementales d’Angers, ce programme a permis d’investir sur la résistance au feu bactérien et à la tavelure du Pyracantha.

Le succès de cette démarche de partenariat a incité les pépiniéristes à soutenir un nouveau programme de recherche. S’est ainsi constitué le GIE SAPHINOV dont l’objectif a été de diversifier la création variétale. Le programme portait sur une liste de 10 puis 15 genres d'arbustes ornementaux (dont Abelia, Caryopteris, Clematis, Cotoneaster, Hydrangea, Lavatera, Lonicera). Ce programme a duré de 1989 à 2007, et a permis de développer de nombreuses et nouvelles méthodologies sur plantes ornementales au sein du laboratoire : hybridation intra et inter spécifique, doublement chromosomique, marqueurs moléculaires…

A partir des années 2000, l’INRA a entrepris un recentrage des recherches en ornement sur l’amont et sur le modèle rosier. Après 2007, les activités de création variétale n’ont subsisté qu’au centre d’Angers et sur un seul groupe d’espèces, les Genistées (genêts). S’est alors constitué le GIE EUROGENI dont le programme a permis de développer de nouvelles compétences, approches et outils : phylogénie, cytométrie de flux, marqueurs moléculaires, sauvetages précoces d’embryons… Ce programme a incité le pôle de compétitivité Végépolys à rassembler des entreprises intéressées par la création variétale. Le projet BRIO (Breeding, Research and Innovation on Ornamentals, 2010-2014, impliquant l’IRHS, 6 groupements de professionnels regroupant 23 entreprises et Végépolys) visait à transférer l’approche intégrative menée sur les Genistées à des plantes ornementales non ligneuses. BRIO a porté sur 8 groupes d’espèces (Agapanthus, Alstroemeria, Anemone, Dianthus, Genisteae, Hibiscus, Hydrangea, Viola). Il positionnait encore davantage le partenaire recherche sur l’amont, tandis que les partenaires privés assuraient la valorisation des connaissances et du matériel végétal de pré-breeding produit pour créer des variétés.

Outputs

Sur la période 1974-2014, 37 cultivars INRA ou co-obtentions INRA-GIE ont été, sont ou seront protégées, puis commercialisées par SAPHO. Parmi ceux-ci, les programmes propres à l’INRA ont conduit à 3 variétés de pommier d’ornement (dont Malus 'Evereste' PERPETU en 1974), 6 variétés de Forsythia (dont le Forsythia ‘Courtalyn’ WEEK END en 1984), et 8 de Weigela, créées entre 1974 et 1990. Globalement, la répartition de ces cultivars dans les grands axes de recherche est : 8 cultivars apportant la résistance aux parasites, 21 ayant un port plus compact adapté aux contraintes de culture, 17 apportant une diversification des coloris. Dans le cadre du projet EUROGENI, une méthodologie d’orientation de la création variétale sur plantes d’ornement a été établie par les personnels de l’INRA et d’Agrocampus Ouest. Cette méthodologie a été testée dans le cadre du projet BRIO, en étendant son application à des plantes herbacées. De cette méthodologie ont résulté des fiches destinées à orienter les choix de parents et les techniques de création variétale à mettre en œuvre en fonction des objectifs de sélection. Lors de la réalisation de l’ensemble des programmes décrits, des collections végétales ont été constituées pour l’ensemble des genres étudiés (soit plus d’une vingtaine de genres) et caractérisées morphologiquement voire moléculairement. En collaboration avec Agrocampus Ouest et le GEVES, certaines de ces collections (Pyracantha, Forsythia, Weigela en particulier) sont devenues des références et ont permis de constituer des grilles descriptives et des outils de comparaison pour les dépôts de nouveaux COV dans ces genres.

Circulation des connaissances et intermédiaires

Les chercheurs INRA assurent une activité importante dans la diffusion des outputs à travers la coordination et le suivi des activités des GIE (comités techniques…), l’expertise technique et la participation aux orientations de création variétale. Ils assurent la formation des personnels des GIE et la vulgarisation et communication des résultats des recherches. SAPHO assure la diffusion de l’ensemble des variétés ornementales INRA en France et à l’étranger. SAPHO détermine en particulier les cultivars à protéger par COV et fixe le volume de commercialisation. Les royalties sont partagées entre SAPHO, Agri-Obtentions et le GIE concerné pour les cultivars les plus récents. SAPHO assure la promotion des cultivars et recherche les éventuels partenariats de production ou de diffusion. Végépolys a participé à l’extension des activités de sélection variétale sur des plantes ornementales non ligneuses (projet BRIO) : recherche des entreprises intéressées par des activités de création variétale, organisation d’échanges avec l’INRA et appui au montage et à la réalisation du projet BRIO. A partir des descriptions des collections végétales réalisées par l’INRA, l’UPOV (Union pour la Protection des Obtentions Végétales) a rédigé et validé des Principes directeurs pour la conduite et l’examen des caractères de DHS (genres Berberis, Forsythia, Pyracantha, Weigela). La validation de ces principes directeurs par l’UPOV entraîne leur utilisation théorique dans tous les pays adhérents à cette union, lorsque des obtenteurs de nouveaux cultivars dans ces genres sollicitent des certificats d’obtention. Le GEVES a intégré dans ses procédures les critères de comparaison listés dans les principes directeurs de l’UPOV. Il assure par ailleurs la pérennité d’un certain nombre de collections de référence pour les tests de DHS.

Impacts 1

Economique:

A travers son investissement en recherche sur la création variétale d’espèces orphelines et par le biais de collaborations d’abord informelles, l’INRA a incité la filière ornementale à se structurer autour de GIE de recherche (SAPHYR, SAPHINOV, EUROGENI) et d’un éditeur de variétés dédié (SAPHO). 1,6 M€ ont ainsi été investis depuis 1982 par les entreprises dans la recherche mutualisée à travers les GIE. Les cultivars obtenus ont permis aux jardineries et distributeurs de réaliser 150 M€ de chiffres d’affaires depuis 1985 (dont 58 M€ correspondent à des créations de marchés : Lonicera et Clématites en potée, Forsythia pour le paysagisme et Caryopteris). Par ailleurs, la construction du projet BRIO a été l’occasion de la mutualisation des activités de R&D de 8 entreprises sur le genre Hydrangea et de la création d’une Société en Actions Simplifiées (SAS Hydranova).

Environnemental:

Les variétés résistantes au feu bactérien et à la tavelure ont permis de réduire les traitements réalisés en production, puis dans les espaces verts et jardins.

Politique:

Les grilles de notations et collections INRA-GIE sont utilisées comme références par le GEVES pour l’inscription des variétés ornementales. Elles ont ainsi outillé la mise en œuvre de la politique européenne de l’OCVV d’homologation des variétés ornementales en appuyant la délégation de la procédure DHS au GEVES. Les cultivars de Pyracantha et Malus résistants au feu bactérien ont par ailleurs offert une solution technique pour respecter le décret de 1994 interdisant l'introduction de variétés ornementales ou fruitières sensibles au feu.

Impacts 2

Economique:

Certaines variétés de pommier d’ornement (notamment Malus ‘Evereste’) ont conduit à changer les dispositifs de culture dans les vergers de pommes à couteau. Les cultivars ornementaux étant très florifères sur une longue période de floraison et résistants aux pathogènes (tavelure, oïdium), ils sont utilisés comme pollinisateurs à la place de variétés mixtes ou secondaires (la pollinisation croisée étant obligatoire pour le pommier). Cette utilisation a permis d’augmenter la densité d’arbres de la variété principale, entraînant une forte augmentation de productivité (nombre de pommiers de variété principale*1,75).

Politique:

Les principes directeurs de l’UPOV transposés au niveau européen (OCVV) ont influencé les guidelines pour les tests d’enregistrement des variétés au Canada et au Japon.

Date de modification : 28 août 2023 | Date de création : 04 mai 2016 | Rédaction : Ariane Gaunand