18 experts ont discuté de la destruction non chimique des couverts et adventices en SD pour CA-SYS !

Le 6 novembre dernier, 18 experts ont pu discuter de la destruction non chimique des couverts, repousses de cultures et adventices pour les systèmes en semis-direct de la plateforme CA-SYS !

Une journée d’échange sur la « destruction non chimique des couverts, repousses et adventices en semis direct » pour la plateforme CA-SYS s’est tenue le 6 novembre 2018. Elle a réuni 18 participants dont des agriculteurs en semis direct, des chercheurs de l’UMR Agroécologie, des techniciens et ingénieurs de deux Unités Expérimentales de l’INRA (UE Domaine d’Epoisses à Bretenière et UE Domaine de la Sapinière à Bourges), des ingénieurs et conseillers d’Arvalis-Institut du végétal, de l’APAD et de Dijon Céréales.

Experts

Le groupe d'experts
en cours de réflexion

Pour introduire le sujet, la matinée a été tout d’abord consacrée à la présentation de la plateforme CA-SYS mise en place à l’automne 2018 : présentation de l’Unité Expérimentale Domaine d’Epoisses de l’INRA dont 125 ha sont réservés à cette plateforme ; présentation du contexte d’expérimentation (type de sol, pressions biotiques, potentiel de culture, parc matériel, etc.), puis présentation du dispositif expérimental de la plateforme CA-SYS (objectifs, étapes de la co-conception des systèmes, etc.) et de l’état initial réalisé pour divers indicateurs (bioagresseurs, sol, régulation biologique, biodiversité) suivis au cours du temps afin de juger de l’effet des systèmes agroécologiques mis en place. Pour achever cette matinée, les systèmes de cultures testés ont été présentés, avec un important focus sur les systèmes en semis direct : comment ne pas avoir recours au travail du sol sans pesticide ?

La plateforme CA-SYS teste 4 systèmes de culture correspondant à deux grandes voies d’agriculture, dans 3 environnements paysagers différents et intégralement sans pesticide :

  • 2 systèmes de culture mobilisant le travail du sol (labour, faux semis, désherbage mécanique, etc.), et n’ayant pas recours aux produits phytosanitaires.
  • 2 systèmes de culture dans la logique de l’agriculture de conservation (semis en direct des cultures et pas de labour), et n’ayant pas recours aux produits phytosanitaires.

(Pour davantage de détails : vidéo de présentation de la plateforme CA-SYS à regarder ICI)

Curseur SD

Sur la plateforme CA-SYS, deux variantes de systèmes de culture en semis direct sont testées, un premier système dit « semis direct permanent » (SD1) et un deuxième système dit « semis-direct non permanent » (SD2). Ces systèmes se démarquent par des objectifs et des moyens d’actions différents. SD1 a pour objectif de maximiser l’efficience énergétique (énergie produite (Ep) / énergie consommée (Ec)) en réduisant les charges de mécanisation (notamment en s’interdisant tout travail du sol). SD2 s’inspire des systèmes nord-américains dit de « rotation no-till » (semis-direct en rotation) et re-questionne la place du travail du sol superficiel (scalpage, désherbage mécanique) et non systématique (intervention régie par des règles de décision) dans la rotation où les cultures sont toutes semées en semis-direct.

Obj SD

SD1 et SD2 suivent la même succession culturale de 6 ans :

Rotation SD

Succession culturale des 2 systèmes de culture
en semis direct de la plateforme CA-SYS

Après un repas convivial, le débat de l’après-midi s’est ouvert sur un constat partagé par tous les participants : « la gestion des adventices et des repousses de culture est un réel challenge en semis direct en l’absence de produits phytosanitaires, bien plus que la destruction des couverts ». Les discussions sont allées bon train pour essayer de trouver des solutions réalistes à tester dès à présent sur CA-SYS.

Les couverts et leur conduite :

Article SD

La conduite des couverts a longuement été discutée. En effet, il est aujourd’hui certain que les couverts sont un des piliers important des systèmes en semis-direct (cf. présentation ici) et que leur réussite repose sur un certains nombres de clés (cf. article TCS N°78, F. Thomas et M. Archambeaud 2014, ici).

L’enjeu en semis-direct sans produits phytosanitaires est d’avoir un couvert bien implanté, homogène, ayant une croissance rapide, et produisant une forte biomasse pour qu’il puisse correctement jouer son rôle avant l’implantation de la culture suivante (étouffement des adventices, etc.). Or cet objectif est soumis aux aléas climatiques. Preuve en est cet été 2018 qui fut très sec dans de nombreuses régions en France, notamment sur CA-SYS où il y a eu moins de 40 mm de pluie sur la période du 1er juillet au 20 octobre, rendant difficile l’installation des couverts. L’écart à la normale (calculée sur les 30 dernières années) nous indique un déficit de pluviométrie de 10 à 20 mm pour toutes les décades de mi-juillet à mi-octobre, ce qui a été fatal à l’implantation des couverts et des cultures (cf. images ci-dessous et tweet ici).

Cumul pluvio

Cumul mensuel de la pluviométrie pour la période juillet - octobre
des années 1991 à 2018 sur la plateforme CA-SYS
Réalisation graphique : S. Cordeau

Ecart pluvio

Écart à la normale de la pluviométrie décadaire en 2018 sur la plateforme CA-SYS
Réalisation graphique : S. Cordeau

Pour assurer l’implantation des couverts végétaux, plusieurs pistes ont été discutées sans que des décisions soient prises à ce stade tant les enjeux peuvent être multicritère et surtout contraints par la réglementation :

Système maxi couv

Système Maxi Couv’ (cf. video ici) développé par les Ets Devrand
et la Chambre d’agriculture de Bretagne (article Terre Net ici)

  • Repenser la date de semis des couverts ? Tout mettre en œuvre pour un semis des couverts en post-récolte le plus tôt possible semble être une des clés de réussite partagée par tous. Décaler trop tardivement la date de semis du couvert après la récolte, c’est perdre du potentiel de biomasse (cf. présentation ici). Avec les étés secs qui privent les agriculteurs de quelques orages d’été propices au développement des couverts, un semis sous couvert dans la culture précédente peut être envisagé. Même si le semis à la volée est plus aléatoire qu’un semis en terre, il peut s’avérer efficace certaines années pour des couverts à petites graines.
  • Explorer les pistes de l’irrigation (aide à la levée du couvert) alors que la majeure partie des agriculteurs sont en restriction d’irrigation sur cette période ?
  • Envisager une fertilisation des couverts à l’implantation ? Les avis divergent sur cette question : quel gain de biomasse ? Est-ce que cette fertilisation permet réellement de mieux concurrencer les adventices en favorisant une implantation réussie et une rapide couverture du sol ? Et pour quelle perte dans l’environnement (considérant que toute fertilisation n’est pas valorisée à 100% par le couvert en place) ?
  • Revoir la composition des couverts en espèce et/ou en variété afin de favoriser une croissance exubérante tout en assurant sa facilité de destruction non chimique ?

Plusieurs méthodes de destruction ont été évoquées, dont les avantages et inconvénients vis-à-vis des systèmes CASYS et de leurs objectifs ont été discutés. Le savoir expert des expérimentateurs du domaine INRA de Bretenière a été riche d’enseignement sur la faisabilité de certaines solutions proposées dans nos conditions locales.

 

Destruction couvert 1
Destruction couvert 2
Destruction couvert 3

Les adventices et repousses de culture :

De nombreuses questions restent encore à approfondir sur lesquelles les malherbologues de l’INRA de Dijon en collaboration avec les agriculteurs planchent encore. Par exemple, la dynamique de levée des adventices est bien connue en système conventionnel où le travail du sol stimule les levées (voir étude ici). Elle est moins bien connue en semis direct (voir étude ici), et notamment quand un couvert est en place et que la sécheresse de l’été modifie les dynamiques de levées (voir étude ici). Un système en semis direct a été conduit de 2000 à 2017 sur l’Unité Expérimentale Domaine d’Epoisses à Bretenière dans le cadre de l’essai PIC-adventices mené par l’UMR Agroécologie. Les adventices les plus retrouvées pour trois cultures phares ont été : colza (vulpin des champs), blé tendre d’hiver (vulpin des champs, véronique de perse, gaillet grateron) et orge de printemps (laiteron rude, vulpin des champs, chénopode, mouron et éthuse ciguë). La question de la tolérance au salissement au semis a été débattue en fonction des espèces adventices et de la culture à semer (vulpin vs. chénopode dans céréales ?), de leur stade phénologiques (plantule vs. adulte), des conditions de l’année, etc.

Quels états du milieu souhaité et pour quoi faire ?

Obj SD 2

Une bonne partie des discussions entre les experts agriculteurs, chercheurs, expérimentateurs, conseillers agricoles a porté sur les états du milieu souhaités en SD1 et SD2. Dans SD2, il est envisageable d’intervenir en désherbage mécanique en culture, et cela suppose de pouvoir le faire (quantité de résidus à la surface du sol sortie hiver ? couverture végétale vivante absente dans l’inter-rang ?). En revanche SD1 mise tout sur la couverture du sol, à toute période de l’année, et souhaite combiner une couverture par des cultures et par des plantes de services.

Suites aux ateliers de conception et mises en débat successives des systèmes, il a été décidé que les inter-rangs des cultures seraient similaires entre les systèmes SD1 et SD2, mais que l’inter-rang serait couvert avec des plantes compagnes en SD1 alors qu’elles seraient semées sur le rang en SD2 afin de permettre le binage des colzas par exemple.

Pour détruire les adventices et les repousses de cultures, il a été discuté de la disponibilité de nouveaux outils dans les prochaines années qui permettraient la destruction des adventices en plein (en interculture) ou en inter-rang en culture avec une perturbation très minime du sol. Des opportunités à venir que le machinisme pourra offrir mais qui ne sont pas disponibles à ce jour.

Les discussions de cette journée ont été riches et ont pu apporter de nouveaux éléments à reconsidérer pour la gestion des couverts, des repousses et des adventices en semis direct pour la plateforme CA-SYS. La réflexion se poursuit. Les premiers suivis des adventices et des couverts sont attendus en 2019 !

Merci à tous les experts qui se sont mobilisés sur cette journée.

Les participants :

Les animateurs :

  • Stéphane Cordeau (UMR Agroécologie)
  • Violaine Deytieux (UE Domaine d'Epoisses)

Date de modification : 25 avril 2023 | Date de création : 08 mars 2019 | Rédaction : GF et SC